mercredi 14 juillet 2010

Solitudes (Soledades) - Mario Benedetti


Solitudes


Ils ont raison,
ce bonheur
avec au moins une majuscule
n'existe  pas
ah, mais s'il existait avec une minuscule
il serait semblable à notre  brève présolitude






après la joie vient la solitude
après la plénitude vient la solitude
après l'amour vient la solitude


oui  je sais que c'est une pauvre déformation
mais ce qui est vrai est que dans cette durable minute
on se sent
seul au monde
sans anses
sans prétextes
sans accolades
sans rancoeurs
sans les choses qui unissent ou séparent
et dans cette seule façon d'être seul
on ne s'apitoie même pas sur soi-même


les données objectives sont comme suit
il y a dix centimètres de silence
entre tes mains et mes mains
une  frontière de paroles non dites
entre tes lèvres et les miennes
et quelque chose de triste qui brille
entre tes yeux et les miens
clairement la solitude ne vient pas seule
si on regarde par dessus l'épaule triste
de nos solitudes
on  verra un grand et compact
impossible
un simple respect pour les tiers ou les quatrièmes
ce contretemps d'être du bon monde


après la joie
après la plénitude
après l'amour
vient la solitude


d'accord
mais
que  viendra après
la solitude


des  fois je ne me sens pas
autant seul
si j'imagine
ou plutôt si je sais
qu'au delà de ma solitude
et de la tienne
une  autre fois tu es là
même si c'est en te demandant, seule,
ce qui viendra après
la solitude.

Traduction, Jean McComber, 2010

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