mardi 14 septembre 2010

Des déformations semblables à celles des embryons humains

Des déformations semblables à celles des embryons humains
Cet article est paru le 17 août 2010 dans Pagina/12. Il semble qu'il n'était pas digne de nos salles de nouvelles, puisque je n'en ai vu aucun écho dans les média locaux (Montréal). Le titre original est : “Deformaciones similares a las de embriones humanos” paru dans Pagina/12, un quotidien argentin. Le lien est : Deformaciones similares a las de embriones humanos . 




Des déformations semblables à celles des embryons humains
Cet article est paru le 17 août 2010 dans Pagina/12. Il semble qu'il n'était pas digne de nos salles de nouvelles, puisque je n'en ai vu aucun écho dans les média locaux (Montréal). Le titre original est : "Deformaciones similares a las de embriones humanos” paru dans Pagina/12, un quotidien argentin. 

Le gliphosate produit des malformations dans les embryons amphibiens
 et ses effets nous alertent sur les conséquences chez les humains.
Une revue scientifique vient de publier le travail de l'argentin Andrés Carrasco
 qui a étudié l'effet de cet agrochimique. 

Par Darío Aranda, traduit par Jean McComber

« Des concentrations infimes de Gliphosate (a), par rapport aux quantités utilisées en agriculture, sont capables de produire des effets négatifs dans la morphologie de l'embryon (amphibien) en interférant avec les mécanismes normaux du développement embryonnaire ». En avril 2009, le chef du laboratoire d’Embryologie moléculaire de l'Université de Buenos Aires (UBA) et chercheur principal du CONICET (b), Andrés Carrasco lançait cet avertissement. Ce fut la première fois qu'une étude de laboratoire argentine confirmait l'effet néfaste de l'agrochimie, pilier du modèle commercial agricole. Après l'annonce, Carrasco a été la cible d'une campagne de dénigrement de la part des entreprises du secteur, des média de communication et des fonctionnaires. Bien que le scientifique a précisé qu'il s'agissait d'un avancé de recherche, le principal questionnement portait sur l'absence de publication dans une revue scientifique qui – selon les souteneurs du commerce agricole et une bonne partie du monde académique – serait ce qui octroie la validité au savoir scientifique. Un an et demi après cette alerte, lundi dernier, la revue étasunienne Chemical Research in Toxicology (c) a publié la recherche de Carrasco, dans laquelle il est confirmé que le gliphosate produit de multiples malformations et, avec une analyse scientifique à l'appui, a lancé l'avertissement: « Les résultats compilés en laboratoire sont compatibles avec les malformations observées chez les humains exposés au gliphosate durant la grossesse».

Le Laboratoire d'embryologie moléculaire a accumulé vingt années de travail en recherches académiques, fonctionne dans le cercle de la Faculté de médecine de l'Université de Buenos Aires et est un espace de référence nationale en études scientifiques façonnées par des docteurs en biochimie, en génétique et en biologie. Durant trente mois le laboratoire a étudié l'effet du gliphosate sur les embryons d'amphibiens et de poulets. « Les herbicides basés sur le gliphoste produisent des effets tératogènes (d) chez les vertébrés en interférant avec le métabolisme de l'acide rétinoïque », est le titre de la recherche qui confirme des déformations produites par l'agrochimique en concentrations 5000 fois moindre que dans le produit commercial (500 fois moindre que celles utilisées en agriculture). 

Les dix pages de la revue scientifique sont pleines de termes techniques qui, de différentes façons, rendent compte de l'effet négatif de l'agrochimique: microphtalmie (yeux plus petits que la normale), microcéphale (têtes petites et déformées), cyclopie (un seul oeil, dans le milieu du visage, malformation connue en clinique médicale), malformations crânéo-faciales (déformation des cartilages faciaux et crâniens) et raccourcissement du tronc embryonnaire. Et elle n'écarte pas que dans des étapes postérieures des malformations cardiaques soient confirmées. 

« Les embryons les plus gravement affectés n'ont pas d'yeux et de fosses nasales (…) Le gliphosate interfère avec les mécanismes essentiels du développement précoce conduisant à des malformations congénitales » explique la recherche publiée dans la revue scientifique Chemical Research in Toxicology de la American Chemical Society (ACS étant le sigle en anglais, entité ayant son siège aux États Unis et qui compte plus de 160 000 membres et est une société référence à un niveau mondial). 

L'Argentine compte actuellement 19 millions d'hectares de soya transgénique, 56 pour cent de la superficie cultivée du pays et 190 millions de litres de gliphosate, dont la marque commerciale la plus commue est le Roundup, de la compagnie Monsanto qui commercialise la semence de soya résistante à l'agrochimique. Produisent aussi du gliphosate les compagnies Syngenta, Atanor, Dupont et Bayer entre autres. Le produit chimique s'utilise dans la culture du riz pour laquelle il accumule aussi des dénonciations pour ses effets sur la santé. 

L'agrochimique a la propriété de durer de longues périodes dans l'environnement et de voyager sur de longues distances emporté par le vent et l'eau. Il arrose (par voie des airs ou par voie terrestre) les champs. Tout ce qui pousse sur la terre arrosée c'est le soya transgénique, le reste des végétaux absorbe le poison et meurt en quelques jours. La publicité des compagnies classifie le gliphosate comme inoffensif pour l'homme. 

« L'effet (du gliphosate) sur les embryons est préoccupant par rapport aux cas de malformations chez les humains qui ont été observées dans les zones agricoles », remarque la revue scientifique et elle explique « à cause des défauts crânéo-faciaux observés chez les êtres humains de zones agricoles nous avons décidé de vérifier si les gènes impliqués dans le développement de la tête sont altérés par le produit agrochimique. Nous confirmons que autant la marque commerciale que le gliphosate pur produisent des défauts céphaliques ». 

Les résultats expérimentaux furent réalisés sur des embryons d'amphibiens et de poulets, modèles traditionnels de recherche en embryologie quand on étudie les dérangements du développement chez les vertébrés. « À cause de la conservation des mécanismes qui assurent la régulation du développement embryonnaire des vertébrés, les résultats des deux modèles (amphibiens et poulets) sont des équivalents de ce qui se passerait dans le développement de l'embryon humain », explique le professeur en embryologie de l'UBA et chercheur principal du Conseil National de Recherches scientifiques et Techniques (Conicet). 

La revue scientifique signale qu'on a fait un avancé inédit, de grand intérêt pour le milieu scientifique, qui est de relier les malformations avec l'incidence du gliphosate dans l'augmentation de l'acide rétinoïque (dérivé de la vitamine A, normal chez tous les vertébrés et essentiel pour la régulation correcte des gènes impliqués dans la vie embryonnaire). « De petites variations de l'acide rétinoïque produisent des malformations. Notre travail est la première évidence que les malformations produites par le gliphosate s'associent avec l'acide rétinoïque » à expliqué Carrasco à Pagina/12. 

Après avoir détaillé à l'extrême les modalités avec lesquelles ont été réalisées les analyses, la recherche souligne la problématique argentine dans ses aspects macro: « Le modèle agricole basé sur la paquet technologique des OGM (Organismes génétiquement modifiés) dans la réalité est appliqué sans évaluation critique, sans normes rigoureuses et sans informations adéquate sur l'impact des doses non létales sur la santé humaine et le milieu ambiant ». 

La recherche – qui porte la signature de toute l'équipe scientifique de Carrasco – rappelle que durant la dernière décade différents pays d'Amérique latine ont entrepris des études sur les conséquences environnementales de l'usage des herbicides et des pesticides et souligne qu'au Paraguay une étude épidémiologique sur des femmes exposées pendant la grossesse à des herbicides confirme 52 cas de malformations. 

La recherche remarque aussi que l'Argentine a des antécédents qui devraient avoir attiré l'attention des organismes de contrôle. Elle souligne l'augmentation de l'incidence de malformations congénitales observée il y a cinq ans par le biochimiste et chef du Laboratoire de biologie moléculaire de l'Université nationale du Nord-est, Horacio Lucero, et la situation du quartier de Cordoba Ituzaingo Anexo ( entouré de soya et où on a détecté des cas de malformations et de nombreux avortements spontanés). 

« Ces découvertes sont concentrées dans des familles qui vivent à peu de mètres d'endroits où on arrose régulièrement avec des herbicides. Toute cette information est extrêmement préoccupante au sujet du risque d'introduire des altérations dans la gestation humaine » confirme la revue internationale qui rappelle que la littérature scientifique a déjà démontré que les facteurs environnementaux ont une influence durant la grossesse et, surtout, remarque la revue « le placenta humain a démontré qu'il était perméable au gliphosate ». 

Le travail du Laboratoire d'embryologie de l'UBA met spécialement l'accent sur le « principe de précaution » légalisé par la Loi nationale de l’environnement qui demande instamment de prendre des mesures protectrices chaque fois qu'existent des possibilités de préjudices environnementaux et sanitaires. La recherche de Carrasco, qui apporte de nouveaux éléments de preuve questionne le fait « qu'en dépit des toutes les preuves rapportées dans la littérature scientifique et des observations cliniques sur le terrain, le principe de précaution n'a pas été activé afin de se rendre compte de la profondeur de l'impact sur la santé humaine qui est produit par les herbicides dans l'agriculture basée sur les OGM ». 

Andrès Carrasco insiste sur le fait que sa publication scientifique est, comme d'autres études déjà réalisées, « une alerte qui réclame l'application du principe de précaution dans tout le pays » et a avancé à Pagina/12 qu'il a mis son étude à la disposition des autorités du Conicet et des ministres de la santé (Juan Manzur) et de la science (Lino Baraño). « Cette recherche, avec d'autres déjà existantes, doivent inviter de façon urgente à un débat ouvert à la société avec les plus hautes autorités – a-t-il réclamé -. Il est nécessaire d'en finir avec le silence puisque la pire des situations est la négation de ce qui se passe avec les populations soumises à l'impact des agrochimiques ».

(a) Le gliphosate est le principal ingrédient de l'herbicide Roundup. Celui-ci est utilisé dans toutes les cultures transgénqiues pour contrôler la repousse de la « mauvaise herbe ».
(b) Consejo Nacional de Investigaciones Científicas y Técnicas;  Le Conseil national de recherches scientifiques et techniques est le principal organisme dédié à la promotion de la science et de la technologie en Argentine.
(c) Recherche chimique en toxicologie.
(d) Susceptible de provoquer la naissance de monstres ou de monstruosités.

1 commentaire:

  1. OMG
    (Oh My God)

    C'est rare que je peux lire de la vraie litt. scientifique ou quelque chose s'en approchant sur les méfaits des OGMs autre que sur la biodiversité. Cette semaine je suis tombé sur une photos de ''cancer rats'' d'une étude sur les OGM... ils ressemblent a tous les cancer rats que je connais (incluant ceux que nos enfants peuvent acheter au petshop (pauvres ratus albinus, il sert pas juste aux behavioristes)) et là je tombe sur votre article en ''surfant'' une suite de liens suite a une insomnie transitoire (je faisais un rêve désagréable où deux téléphones sonnaient en même temps dans ma maison.) les larmes me sont venu aux yeux en lisant les descriptions des horreurs que provoque le round up... je terminerais en ajoutant que cette semaine j'ai lu un article ou l'armée américaine admets avoir déversé des produits chimiques sur des quartiers pauvres... O_o (visage post traumatique) je ne suis pas une personne parano de nature, mais là, je commence a me demander si je ne devrais pas le devenir!!!! Complètement dégoutée, mais ça ira, je ne suis pas au bord d'essayer de délire ce que je viens de lire.

    Namaste Monsieur McComber.

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