lundi 5 décembre 2011


Fondation, au Vénézuela, de la Communauté des États Latino-américains et des Caraïbes (Celac)

Sur le chemin de l'unité latino-américaine.

Pour la première fois, tout le bloc s'est réuni et a décidé de laisser à l'extérieur les États-Unis et le Canada. « Que la Celac avance dans le processus d'intégration en établissant un sage équilibre entre l'unité et la diversité de nos peuples », énonce la Déclaration de Caracas.
Par Nora Veiras
Depuis Caracas

« Nous n'exagérons pas si nous disons que c'est une journée historique ». Le ton superlatif avait des motifs : Hugo Chavez a réuni à la table trente présidents, un vice-président et deux chanceliers. Pendant deux jours, ils étaient à Caracas pour débattre de la possibilité de donner vie à la Communauté des États latino-américains et des Caraïbes (Celac).
En accord avec ce qu'avait annoncé la présidente argentine, Chavez, avant de céder la parole à Sebastian Piñera, le nouveau président par intérim de la Celac, avertit que « maintenant tout ceci ne peut rester sur papier, nous devons agir, démarrer les moteurs ». Les exposés, entrecoupés des commentaires de l'hôte, ont proposé de mettre la priorité sur les convergences et sur la conviction de profiter « pour son propre bénéfice et non contre celui des autres » des potentialités économiques dans un monde en crise. « Que la Celac avance dans le processus de l'intégration politique, économique, sociale et culturelle en établissant un sage équilibre entre l'unité et la diversité de nos peuples » énonce la déclaration de Caracas.
L'appui commun à la réclamation argentine de souveraineté sur les iles Malouines, le rejet du blocus économique et financier de Cuba et la démocratie comme prérequis pour intégrer la Celac, furent quelques-unes de la vingtaine de déclarations émises par le groupe. Chavez, muni d'un marteau en bois, a frappé un coup marquant l'approbation unanime de chaque document. La seule dissension fut réglée par un ajournement : les présidents ne se sont pas mis d'accord si les décisions devaient être prises par consensus ou devaient être soumises à un vote. Rafael Correa (Équateur), Chavez, Raul Castro (Cuba) et Evo Morales (Bolivie) ont trouvé la formule : maintenir le critère de consensus jusqu'à ce que le prochain sommet au Chili résolve la question. Correa était un des plus critiques sur le thème du consensus. Pour les diplomates argentins, ce mécanisme garantit l'égalité dans un scénario où l’hétérogénéité des pays est très grande.
Succession
La Celac demeure aux mains d'une troïka, Chavez ayant nommé ainsi le trio chargé de mettre en action le bloc jusqu'à la prochaine plénière qui aura lieu au Chili. « Avec le commandant Chavez et le commandant et président Raul Castro nous formons une troïka. 'Vive la différence, comme diraient les Français'. Nous pensons différemment. Dans une de ces rencontres, nous pouvons rapprocher les positions » dit Piñera. Castro succèdera au président du Chili. L'harmonisation d'intérêts aussi divergents exigera de la maitrise de la part des ingénieurs de cette nouvelle structure. Dans la Celac, se rencontrent des pays mis sous blocus par les États-Unis comme Cuba, d'autres qui avancent dans des Traités de libre commerce comme le Chili, le Pérou, la Colombie et le Mexique et d'autres, comme une grande partie des iles des caraïbes, qui ont une dépendance historique à cette relation.
Intérêts
Le président équatorien fut celui qui a le plus directement mis en question le rôle de l'Organisation des États Américains (OEA). « Nous avons besoin d'un nouveau système interaméricain. La OEA a été historiquement capturée par les intérêts nord-américains. Ceci la rend peu fiable à notre époque en Amérique latine », dit-il et il ajouta que « seulement à cause de l'attitude qu'elle a prise durant le conflit des iles Malouines elle mériterait de disparaitre ». Correa a choisi comme deuxième thème de sa présentation la concentration des médias de communication. Il a fait remarquer qu'il est un défenseur absolu de la liberté de presse, mais non « des mensonges ». Il avertit que le « pouvoir factice planétaire que constituent les monopoles vise à remplacer l'État de droit par l'État d'opinion et exprime les intérêts du grand capital ». Chavez a rappelé comment les médias avaient joué en faveur de son renversement dans le coup d'État qui lui a enlevé le pouvoir en 2002. Evo Morales aussi a signalé que sa principale opposition est représentée par les médias.
Le Nicaraguayen Daniel Ortega, qui vient d'être réélu, a condamné le rôle des États-Unis dans la région et la succession de bombardements en Syrie et Libye. « Les grandes puissances n'hésitent pas à défendre leurs intérêts en commettant des délits de lèse humanité » a-t-il répété. Chavez s'est alors demandé « ce qui serait arrivé de l'Amérique latine si les États-Unis n'y avaient pas soutenu autant de coups d'État ».
Peu avant, Chavez avait donné la parole au « président du Honduras, Porfirio Lobos ».
- À propos, comment va l'ami Mel Zelaya? a continué le Vénézuélien devant le malaise de Lobos qui est devenu président par une élection truquée à la suite du renversement de Zelaya.
-  Très bien, il m'a demandé de vous envoyer ses salutations. Il a l'air très bien. Il n'a pas l'air d'avoir été malade, répondit le Hondurien qui continua en vantant les qualités de l'intégration régionale.

Le Colombien Juan Manuel Santos se chargea de la demande des FARC et de la ELN pour que la Celac intercède dans le processus de paix. « La paix est une question colombienne, j'ai la meilleure disposition à m'asseoir si je m'aperçois qu'eux sont disposés à converser sérieusement. Je remercie la Celac » dit-il après avoir rappelé l'assassinat de quatre otages il y a quelques semaines. Le Colombien a aussi fait allusion à la nécessité de financer le commerce inter-régional, comme l'avait affirmé une Cristina Kirchner convaincue, de donner un contenu concret à l'intégration et il souligna que “maintenant ce n’est pas comme avant lorsque tous les investissements venaient des États-Unis”. Chavez insista pour former un Fonds de réserve “avec un apport de tous les pays de la région. Ne nous ferions-nous pas confiance? Faisons-nous plus confiance à la banque de Bâle?”
“Un de chaque dix habitants du monde vit dans la région de la Celac, notre croissance moyenne est de 5.6 % l'année dernière et de 5 % cette année. La Celac est essentielle; plusieurs pensent que seuls ils peuvent aller plus rapidement, mais ensemble nous pouvons aller plus loin et avec plus de sécurité. Aujourd'hui, l'unité est le chemin”, résuma Piñero, l'entrepreneur chilien qui en est devenu président et qui, par les détours de l'histoire, s'est retrouvé à côté de Castro et Chavez dans le vertigineux processus de conception de ce nouvel organisme.
Paru dans Pagina12, le 4 décembre 2011; traduit de l'Espagnol par Jean McComber.

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